Cet article est un repost d’un billet initialement publié sur Linkedin en réaction à un posts sur la question de l’innovation suisse.
Une fois de plus j’écris mon commentaire. Puis, Linkedin m’informe que je dépasse la limite maximale de caractères à disposition. Normalement je rage-quit, je le détruis, déçu et je passe à autre chose. Aujourd’hui, j’ai décidé de le publier. C’est en réaction à ce post de Fathi Derder sur le numérique en Suisse que j’ai vu passer dans mon feed.
Selon moi, les comparaisons avec la Chine, l’Inde et les USA sont inappropriées et trompeuses. Ces pays ont mis en oeuvre des stratégies d’investissement dans le numérique et l’innovation pour certains il y a plus de 30 ans. Leurs contextes socio-économiques et historiques sont fondamentalement différents des nôtres.
Rester dans la course? Mais quelle course? Des volontés politiques fortes pour faire quoi? Des GAFA Hélvétiques?
“La combinaison des data sciences, de l’IoT et du machine learning permettent à l’Amérique et l’Asie d’accélérer leur avance.”
C’est ça la vision de la Suisse pour demain? Des titres de conférences et des buzzwords business? L’avenir de la Suisse serait-il en Californie, à la Singularity University? En Chine? Sur Mars?
Ces représentations de nos futurs ne sont pas seulement contre-productives mais révélatrices des mythes liés à l’innovation qui façonnent encore toute une génération de politiques et d’entrepreneurs. Des innovateurs aveuglés et de plus en plus à l’étroit dans des réductionnismes et autres déterminismes technologiques à la mode dans le monde de la mise en scène de l’innovation.
Je vais poser 4 questions:
- Et si nous dépassions notre logique géographique et nationaliste pour prendre un modèle plus connectographique (Khanna). Je suis persuadé que nous sommes l’un des pays au potentiel le plus “connectographique” au monde. Khanna nous cite d’ailleurs à mainte reprises dans son livre.
- Et si nous passions d’une logique startup/solutioniste à des modèles de travail dans la complexité d’une innovation qui mélange plusieurs dimensions, autant sociales, économiques que culturelles, pas seulement du capitalisme netarchique ou distribué(Bauwens).
- Et si nous faisions preuve d’imagination et prenions le risque de proposer des futurs qui –dans le context planétaire actuel– ont du sens, comme l’a fait la Finlande par exemple, avec sa stratégie “Mission for Finland” pour 2030 (How finland will demonstrate its strengths by solving the world’s most wicked problems).
- Et si la misère symbolique (Stiegler) de nos imaginaires et de notre rapport à la création d’entreprise nous pénalisaient collectivement? Le manque de pensée critique sur la question de l’innovateur rend vraiment ce discours du “méchant gouvernement qui ne veut pas changer” de plus en plus limitant.
Mon travail avec des dirigeants me montre chaque jour une chose très précise. La plupart des approches et des modèles dont ils disposent pour définir et résoudre des problèmes sont insuffisants et fondamentalement limités dans leur capacité à générer de nouveaux possibles.
Ils finissent même le plus souvent, par renforcer les systèmes qui régissent et limitent notre réalité actuelle, puisque les structures sous-jacentes et les mythes sur lesquelles ils sont construits restent inchangés.
Alors, c’est quoi la Suisse qui innove demain?
Et si on se permettait de repenser l’innovation autrement?