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Cet article est un repost d’un billet initialement publié sur Linkedin au lendemain des événements du Capitoles à Washington.

Que se passe-t-il aux USA? Ce matin, en buvant mon café je fais un tour d’horizon de la presse suisse et internationale. Je suis interpellé par les analyses disponibles tant il me semble qu’une grande partie de ce qui est en train de se jouer sous nos yeux nous échappe.

Alors, quelle grille de lecture utiliser pour tenter de donner du sens à ce véritable Pizzagate numéro 2, au-delà des reflexes d’indignation, le mépris gratuit et les vertus ostentatoires partisanes?

Voici quelques pistes à chaud.

  1. L’occident est touché depuis environ 20 ans par une infection mémétique (approche darwinienne appliquée à la culture) à large échelle, habilement construite et propagée par ses adversaires. Initialement déployée grâce au paranormal et le new age, cette contamination devenue aujourd’hui algorithmique consiste à défaire la légitimité historique de nos institutions, à diviser les opinions et à ensevelir les faits sous le doute.
  2. Les médias, ayant pris le train du digital beaucoup trop tard, sont peu habiletés à y donner du sens comme à y répondre stratégiquement. Un leader comme Trump “weaponise” ces dynamiques à son avantage. Il a non seulement besoin de choquer et d’indigner pour obtenir de la visibilité gratuite fournie par ses adversaires et les réseaux sociaux, mais il a également besoin de leur mépris pour cacher son prochain coup et brouiller les pistes.
  3. Trump cherche ainsi à consolider son “après” et entre pleinement dans le rôle du leader de l’insurrection. Ce “Occuppy Whashington” est un événement de type systempunkt (attaque sur un point très vulnérable d’un système adverse) très important pour rassembler un mouvement jusque là encore très réticulaire et ayant besoin d’un instant clé fondateur et symbolique IRL (in real life). Le clan Trump a de grandes ambitions politiques et médiatiques, il a une stratégie claire. Objectifs sans doute atteints à 200%.
  4. Le plus inquiétant reste de voir des forces de polices, des politiques et des médias dépassés par les tactiques de mouvements d’insurrection ouverte et asymétriques, mais aussi stigmergiques (intelligence en essaim) et hybrides. On notera par exemple le talent avec lequel le Patriot Party échappe à la censure de Twitter en utilisant des parodies vidéos d’une très grande ambiguïté.
  5. Le grand changement de paradigme militaire américain qui a consisté à remplacer les soldats par des “contractors” privés, souvent formés par l’armée puis engagés par des sociétés de mercenaires, nécessite et produit une culture fascinée par les opérations tactiques et les forces spéciales. Cette réalité a transformé la société américaine (mais pas que, on retrouve par exemple une culture de milice similaire en Europe de l’Est). Il est désormais nécessaire pour les dirigeants de composer avec ce nouveau tissu social d’hommes fascinés par les conflits et les narratifs de renversements de gouvernements hostiles aux valeurs fondatrices de la société américaines. Récits normalement tournés vers l’extérieur, qui aujourd’hui se retournent ironiquement contre le pays.

Si chaque génération de conflits s’est construite sur les failles et les limites des systèmes de pensées précédents, il semble aujourd’hui évident d’essayer de se munir de cadres interprétatifs et de modèles appropriés. Si la théorie de l’émergence, des systèmes complexes et les méthodes de sensemaking sont évidemment de rigueur, le “moral high ground” reste définitivement aussi contre-productif au processus démocratique qu’utile à ses adversaires.